Le droit de l’eau : un droit insaisissable… comme l’eau ?
Pour assurer la protection de la ressource, la loi sur l’eau de 1992 prévoit pour tous les travaux, installations, ouvrages, activités réalisées à des fins non domestiques, un régime unique d’autorisation et de déclaration en fonction de l’importance des travaux, des risques encourus, des dangers et des incidents sur la santé, la sécurité et le libre écoulement des eaux = la police de l’eau.
Nomenclature spécifique distincte de la nomenclature des installations classées.
La nomenclature est à présent codifiée à l’article R214-1 C env concerne les activités de prélèvement, de rejet sous une certaine quantité, les activités qui ont un impact sur le milieu aquatique ou la sécurité publique (obstacles à l’écoulement, la continuité écologique, plans d’eau).
- La procédure d’autorisation, l’enquête publique et la concertation locale :
Comme pour les ICPE, la nomenclature eau prévoit une procédure d’autorisation pour certains IOTA qui implique la réalisation d’une enquête publique (article L123-1 et suivants et R123-1 et suivants Code de l’Environnement).
La procédure d’autorisation, procédure lourde (enquête publique notamment), est limitée aux ouvrages les plus importants, les autres étant uniquement concernés par une procédure de déclaration avec néanmoins un pouvoir d’opposition de la part du Préfet.
Les ouvrages exclus du régime de la police de l’eau sont les ICPE, les usages domestiques, les IOTA se trouvant en deçà des seuils de la nomenclature et les installations nucléaires.
Les usages domestiques de l’eau (inférieurs ou égales à 1000 m3 d’eau par an) ou tous rejets d’eau usée dont charge brute organique inférieure ou égale à 1,2 kg de DBO5 (article R214-5 c env) sont exclus de la nomenclature de la police de l’eau, mais restent soumis à des textes divers tels que Code de la Santé Publique, le règlement sanitaire départemental (article L1331-1 et suivants Code de la Santé Publique, par exemple dispositif d’assainissement non collectif) ou obligation d’information de l’administration lorsque approvisionnement d’alimentation en eau potable autre que par le réseau public (L2224-9 et 2224-12 CGCT).
Qui est responsable ?
- Les différentes catégories de cours d’eau :
- Les cours d’eau domaniaux :
Le domaine public de l’Etat (article L2111-7 et suivants Code général de la propriété des personnes publiques CGPPP) ;
Domaine public des collectivités territoriales, les EPCI (article L3113-1 CGPPP et L5211-17 CGCT) ;
Cours d’eau des communes et classification des cours d’eau en fonction de leurs débits (article L214-9 Code ENV pour les aménagements hydrauliques) ;
Les servitudes de halage, servitudes de défense contre les inondations, servitude de pêche.
- Les cours d’eau non domaniaux :
La loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité a introduit une définition des cours d’eau à partir de la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE 21 octobre 2011, n°334322 ; article L215-7-1 Code ENV) sur deux critères : lit naturel d’origine et un débit suffisant la majeure partie de l’année (suffisant et non permanent) ;
Les propriétaires ont l’obligation d’entretien avec partage à la moitié du lit pour les propriétaires se faisant face et si défaillance, mise en demeure (article L215-14 et suivants Code ENV).
Contrôle et sanctions
Article L211-5 Code de l’Environnement : la police spéciale de l’eau est attribuée au Préfet. Le Maire également responsable de l’ordre public sur le territoire de sa commune ne peut s’immiscer dans cette police qu’en cas de péril imminent.
L’administration adresse d’abord une mise en demeure avec régularisation dans un délai qui ne peut excéder un an (L171-7 code env).
Mesures provisoires de suspension, mesures conservatoires, paiement d’astreintes, exécution d’office des travaux aux lieu et place sont possibles pendant ce délai d’un an.
A l’expiration de ce délai d’un an, fermeture ou suppression des installations, cessation d’utilisation, destruction des objets ou dispositifs.
La sanction apparaît automatique sans laisser à l’administration de marge de manœuvre (l’administration « ordonne »).
Amende administrative au plus égale à 15 000 € et astreinte journalière de 1 500 €.
Dispositions pénales (L216-3 et suivants code env).
OPJ, inspecteurs de l’environnement (OFB), agents de l’ONF, chercheurs, ingénieurs et IFREMER, Gardes champêtres, Douane … sont compétents pour constater les infractions.
Pollution des eaux superficielles et atteinte à la santé publique ou à la biodiversité : deux ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende + travaux de restauration.
Amende de 75 000 € pour non-respect des conditions d’exploitation d’un ouvrage, atteinte à la circulation des poissons migrateurs au débit minimal.
Hydroélectricité : Régime de l’autorisation pour les installations dont puissance inférieure à 4500 KW, concession au-delà ; Sanction pénale si exploitation sans autorisation : un an de prison et amende de 150 000 € pour la concession (L512-1 Code ENER).
Compétence du Juge des Libertés et de la Détention saisi par le Procureur ou par l’administration ou les victimes ou les associations agréées pour ordonner les suspensions ou les interdictions pendant un an ou plus (L216-13 code env).
Loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique : Elle crée un délit général d’atteinte aux milieux dont le milieu aquatique puni de 5 ans d’emprisonnement et de 1 000 000 € d’amende en qualifiant d’écocide l’atteinte au milieu commise de façon intentionnelle lorsqu’elle est durable (effet nuisible sur les eaux superficielles ou souterraines durant au moins sept ans – article L231-1 Code de l’Environnement).
Les parties civiles et les victimes
Pouvoir de se porter partie civile des institutions publiques ou parapubliques (chambre d’agriculture par exemple) – article L132-1 c. env.
Associations de protection de l’environnement : agrément nécessaire renouvelable tous les cinq ans (article L141-1 c. env), mais problème de l’autorité compétente pour délivrer cet agrément en fonction de l’échelon géographique sur lequel l’association agit.